ForeCast #8

Simon Daller - Head of Treasury Group MANTU - La digitalisation de la fonction trésorerie

Est-ce que les ingénieurs font de meilleurs trésoriers ?

Simon Daller est trésorier et ingénieur. Une double compétence pas si fréquente dans ce métier.

Dans cet épisode de FORECAST, Simon DALLER, Head of treasury du groupe MANTU, nous partage son approche et les bonnes pratiques qu’il a mis en place au sein de son groupe pour tirer le maximum de la digitalisation de la fonction trésorerie.

Il nous parle, entre autres sujets, de comment il tire parti des solutions proposées par les fintechs, de la veille technologique qu’il réalise chaque semaine et de sa vision de l’évolution du métier de trésorier.

🎧 Bonne écoute! 🎧

Transcription de l'épisode

Introduction

– Bonjour Simon, merci d’avoir pris le temps de de répondre à mon invitation, d’autant plus que tu es en en transit, dans une situation bien particulière. 

-Exactement. Je suis en plein confinement à l’hôtel. J’ai un cadre de vie plutôt sympa quand même ; je ne me plains pas puisque je suis à l’île Maurice pour les 3 prochains mois avec passage obligatoire par une quatorzaine. 

Q: Peux-tu nous présenter ton parcours et le groupe Mantu, pour qui tu travailles ?

R:  Je suis issu d’une formation d’ingénieur, c’est pour ça qu’on va avoir l’occasion de parler un peu digitalisation lors de cette discussion orientée plutôt trésorerie. Avec cette formation d’ingénieur, j’ai pu coupler un master en finance ; ce n’est pas forcément un parcours que je dirais traditionnel par rapport aux financiers habituels. Au niveau de mes expériences, j’ai eu des expériences en Fintech, en banque, et je suis désormais en corpo puisque je suis Responsable du département Corporate Finance and Treasury du groupe Mantu. Le fait d’avoir des expériences dans ces 3 secteurs m’a permis de développer une approche un peu globale sur ces sujets de trésorerie, notamment sur le volet digitalisation.  

Mantu est un groupe de Conseil qui accompagne ses clients dans toute leur transformation digitale. Forcément, la digitalisation est au cœur de notre métier, en particulier en interne. En plus, il s’agit d’un groupe assez jeune, on a une moyenne d’âge à 32 ans et un dynamisme assez important. C’est un groupe qui est assez multiculturel également puisqu’on a une centaine de nationalités qui sont représentées pour à peu près 7000 personnes dans plus de 60 pays à travers le monde. 

L’environnement est ultra dynamique : le groupe affiche une croissance de 35% par an en moyenne depuis la création du groupe. Evidemment, la crise du COVID a un peu réduit ce chiffre, mais on reste tout de même en croissance sur l’année 2020. Ce qui est important de noter, c’est que cette croissance est principalement organique. Nos problématiques sont donc aujourd’hui internes et non liées à des soucis d’intégration de sociétés externes. 

Comme tu le disais en introduction, je suis actuellement basé à Maurice. On est sur un format un peu particulier puisque le groupe, depuis sa création, a développé ce qu’on appelle le travail en full remote, et énormément de personnes ont la possibilité de travailler à distance, sans être forcément basés dans des bureaux. Ça a été mon cas puisqu’initialement, je suis rentré dans le groupe en 2017 à Paris, puis j’ai été basé dans les bureaux de Barcelone pendant un an et depuis 2019, je suis à Lyon. J’ai fait un petit passage à Amsterdam sur les 3 derniers mois de l’année 2020. Actuellement je suis à Maurice pour les 3 prochains mois, et je serai basé à Cape Town en Afrique du Sud à partir d’août. 

On ne peut pas dire que tu sois un trésorier sédentaire.

R: Exactement. Je pense qu’aujourd’hui, le fait que ce métier soit en train de se digitaliser et de complètement se renouveler fait qu’il n’y a pas forcément d’intérêt d’être basé sur un lieu fixe et cette tendance du “work from anywhere” tend à se développer. D’ailleurs le work from anywhere a été lancé par Spotify en début d’année 2021 où ils ont autorisé 100% de leurs employés à travailler depuis le lieu de leur choix. Ça ouvre pas mal de questions par rapport au futur du travail et au positionnement de chacun des employés. 

-Oui, c’est assez révolutionnaire, mais ça demande quand même une base en termes d’organisation. Car il ne s’agit pas seulement de faire ce choix, c’est aussi une logistique et la preuve en est que le trésorier se prête à ce genre de chose. 

– Je suis complètement d’accord, particulièrement lors du début de la crise. J’ai eu quelques personnes, notamment dans ma famille, qui travaillaient dans des secteurs assez particuliers ou même dans la fonction publique, et j’ai pu comparer nos outils par rapport au leur. Du fait que le groupe travaille depuis 14 ans avec des outils digitaux qui nous permettent d’interagir peu importe où on est dans le monde, ça fluidifie énormément nos échanges. Et lorsque le premier confinement a commencé, on n’a pas été chamboulés dans notre manière de travailler. 

Q: Chez Mantu, vous avez une autre particularité qui est le fait de gérer en interne beaucoup de projets qui, en général, sont externalisés. Dans votre process, vous créez des outils, même des activités. Quel est l'impact sur la fonction trésorerie au sein de ton groupe ?

R : La trésorerie a chez nous un scope assez large puisqu’on va gérer les sujets de cash management, de FX, mais aussi tous les sujets d’optimisation du besoin en fonds de roulement où on va venir gérer le cycle order to cash et procure to pay (OtoC et PtoP), et également tout un volet risques, risques client avec une analyse du risque client qui a été mise en place depuis peu, et un outil de credit scoring implémenté chez nous depuis l’année 2020. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’on gère l’intégralité de la relation bancaire, notamment les sujets de financement avec nos banquiers, pas uniquement la relation quotidienne sur la gestion des opérations et autres, tout cela entre le Chili et le Japon, donc sur 60 pays.  

On a donc effectivement une culture assez tech chez nous, puisqu’initialement, les systèmes d’information avaient été développés en interne avec un certain nombre d’applications, notamment un TMS maison, mais également une application de facturation de recouvrement. Toute la gestion financière avait été développée grâce à nos équipes IT basées un peu partout dans le monde. Depuis peu, on fait face à un certain nombre de problématiques, notamment le fait de venir intégrer de nouvelles solutions plutôt externes. Donc on compare ce qui existe chez nous et on se rend compte que sur le marché, il y a des solutions digitalisées qui sont extrêmement efficaces d’une part et surtout, c’est leur métier. Par rapport à nous qui travaillons en interne, certes, on a un certain nombre de développeurs qui travaillent en permanence sur tous les sujets, mais en général ils vont être alloués à plusieurs applications. Tandis que là, on peut voir un certain nombre de nouveaux acteurs qui vont venir traiter un sujet spécifique, la gestion de risque de fraude, la gestion du poste client, et ce traitement va être fait de manière assez optimale. 

-L’internalisation des développements d’outils est quelque chose d’assez spécifique à votre culture. Ca existe dans d’autres groupes, mais je crois qu’à votre niveau, c’est quand même quelque chose qui est vraiment très présent. Le fait d’arriver à cette évolution dans votre vision des choses, c’est aussi le fait d’avoir un écosystème d’acteurs qui apporte des services à la fonction trésorerie qui maintenant sont quasi impossibles à ignorer.  

Q: Les acteurs qui apportent des services aux trésoriers, ça ne date pas d'hier. Comment distingues-tu les différents types de services, et comment les abordes-tu en tant que trésorier ?

R : C’est un point clé et aujourd’hui on voit qu’il y a 2 typologies de partenaires qui sont en train de se former, et depuis un certain nombre d’années maintenant. Il y a les banques traditionnelles, qui sont un peu les actrices historiques, avec un panel d’offres assez large et surtout, qui présentent un niveau de risque le plus faible possible pour l’entreprise. En revanche, les banques sont présentes depuis 30-40 ans et font face à un certain nombre de limites, notamment technologiques, au niveau du manque de transparence. Le secteur bancaire est en train d’être chamboulé, on voit toutes les banques en ligne qui sont en train d’émerger avec un niveau de transparence optimal. Les banques traditionnelles doivent s’adapter puisque jusqu’à présent il y avait une certaine opacité dans le secteur bancaire. 

Tous ces nouveaux acteurs sont principalement les Fintechs. Je vais aussi intégrer les TMS (logiciels de gestion de trésorerie) dans ces nouveaux acteurs, même si pour la plupart ça fait 10, 15 ou 20 ans qu’ils sont sur le marché. Ces Fintechs vont amener une certaine transparence, souvent avec des solutions digitales à la pointe de la technologie. Les parcours utilisateurs sont vraiment optimaux, et l’ergonomie est en général extrêmement fluide.  

Mais dans la plupart des cas, sans faire de généralités, il y a un risque qui est plus élevé de travailler avec des Fintechs. Parce que la plupart de ces fintechs ne sont pas forcément rentables, mais ont levé énormément de fond. Elles sont donc détenues par de gros acteurs. Demain, s’il y a un désengagement de ces fonds, ça peut entraîner un potentiel risque lié à l’activité de ces fintechs. C’est un premier point à considérer. En plus, pour un département d’audit interne d’une entreprise comme la nôtre, ça entraîne quelques réticences de mettre en place de ce genre de solution. 

En revanche, un point qui me paraît clé et pour répondre sur la question du choix : au lieu de les opposer, je vais essayer de trouver des complémentarités entre ces 2 types d’acteurs, entre les banques et les Fintechs. À mon avis, et on s’en rend compte avec pas mal de partenariats qui sont en train de se faire entre des Fintech et des banques, c’est plutôt bien pour le marché et pour la trésorerie au sens large. On voit ces acteurs sont en train de travailler ensemble pour créer des solutions, donc digitaliser la fonction finance, et les banques vont apporter un certain nombre de d’expertise à ces fintechs qui sont assez jeunes et qui manquent parfois d’expérience. Plutôt que de les opposer, on essaie de travailler avec elles.  

Un point à noter tout de même, c’est que les Fintech ne vont pas forcément offrir et couvrir un panel aussi large que ce que proposent les banques. Alors ce sera parfois judicieux de mettre en place via une banque, une solution digitale qui passe par une Fintech par exemple. 

Q : Dans ton groupe, quels sont ou quels ont été les chantiers de digitalisation ?

R : J’aimerais bien te dire que les chantiers de digitalisation sont terminés, mais pour être tout à fait transparent, ce n’est pas le cas et mais je pense que c’est plutôt normal. Si c’était terminé, je n’aurais plus rien à faire ici ! Les problématiques actuelles que l’on rencontre chez nous, je vais citer les 3 plus importants.  

Le premier est lié à la connectivité bancaire. C’est un sujet clé sur lequel se sont penchés un certain nombre de TMS et Fintech actuellement. Historiquement, Swift, qui est géré par ces fameuses banques traditionnelles et que je vais donc considérer comme un organisme traditionnel, a mis en place il y a maintenant pas mal d’années une solution pour les corporates. Cela entraîne un certain nombre de possibilités : désormais, on peut recevoir, via des messages Swift, l’intégralité de nos relevés bancaires et également émettre des paiements depuis ce canal. Le problème, c’est qu’il va en général falloir passer par un intermédiaire qui aura des agréments auprès de Swift, et Swift est quelque chose d’assez cher pour une TPE ou PME. Ce n’est pas forcément judicieux de mettre en place une solution comme Swift. 

– Ca s’adresse à des acteurs qui ont une certaine taille et surtout une certaine complexité dans leurs flux financiers. Ce n’est pas forcément un point d’entrée pour toutes les sociétés. Malgré tout, c’est un standard aujourd’hui qui est utilisé par toutes les sociétés qui souhaitent avoir une trésorerie internationale en émission et réception. 

Q: Utilisez-vous SWIFT chez Mantu ?

R: Du fait qu’on soit sur 60 pays, c’est effectivement le canal qui faisait le plus sens puisqu’aujourd’hui, c’est le seul qui vous permet d’à la fois d’émettre des paiements jusqu’en Amérique latine et de le diffuser jusqu’en Asie du Sud-Est. Donc oui, Swift est un point d’entrée clé chez nous.  

En revanche, il y a un certain nombre de nouvelles normes qui sont en train d’émerger, notamment en Europe avec la DSP2, c’est un sujet que tu as abordé précédemment dans ForeCast Podcast, et notamment le volet open banking. On voit ce volet émerger sur le marché des particuliers, mais ça arrive également à grands pas pour les corporates. La limitation de cette norme open banking, c’est que ça couvre uniquement l’Europe. J’espère que dans les prochains mois ou années, on sera en mesure de déployer l’Open banking de manière World Wide, mais aujourd’hui, on couvre l’Europe et avec des fonctionnalités qui vont être liées au cash management, donc, encore une fois, comme Swift le fait, la réception d’informations bancaires et également l’émission de paiement.  

Le gros avantage, c’est que vous avez directement accès au système d’information de la banque en passant via une API. Mais la plupart du temps, vous n’allez pas vous connecter directement en tant qu’entreprise à la banque via l’Open banking : vous allez passer par un agrégateur, il en existe de plus en plus en Europe, qui va vous permettre de vous connecter à la Banque. Encore une fois, il y a un intermédiaire.  

Aujourd’hui on parle vraiment de solutions qui permettent de couvrir les problématiques cash management, mais demain on peut imaginer que l’open banking puisse s’étendre et proposer des solutions permettant la digitalisation au niveau de la souscription de dettes de crédit par exemple. Également, tout le volet administratif bancaire. 

-Chose qui, aujourd’hui, n’est pas possible via Swift. 

-Au niveau compliance-KYC, Swift a développé une solution qui s’appelle Swift KYC Registry, donc ils commencent à se pencher sur le sujet, ce qui est normal car Swift voit de nouveaux acteurs émerger sur leur sujet historique. Ils se doivent de réagir. 

Pour moi, tout le volet administratif bancaire qui prend encore beaucoup de temps, ce qu’on appelle d’ailleurs le EBank Account Management, c’est quelque chose qui pourrait éclore via l’Open banking et à terme, je l’espère, de manière globale sur tous les pays. 

Q: As-tu déjà été démarché ou approché sur des offres d'open banking ?

R: C’est déjà arrivé. Un certain nombre d’acteurs, comme Bridge, Budget Insight notamment, qui sont les gros agrégateurs européensqui travaillent plutôt avec de petites entreprises, par rapport aux nôtres. J‘ai déjà été en contact avec ce genre de solution. Pour te donner une petite anecdote, je suis vraiment friand de ce genre de nouvelles solutions et je fais en général entre une et deux démo par semaine. Je ne parle pas uniquement du volet open banking et de connectivité bancaire, mais avec tous les prestataires, toutes les Fintech et toutes les nouvelles solutions bancaires qui sont en train d’émerger, c’est entre une à 2 démonstrations par semaine. C’est vraiment le minimum pour pouvoir être au courant des nouvelles actualités et éventuellement trouver des nouvelles solutions pour optimiser la gestion de la trésorerie du groupe. 

Q: L'écosystème des offres, des services et des partenaires de la digitalisation de la fonction trésorerie est foisonnant. Cette routine des démonstrations hebdomadaire est-elle essentielle pour avoir une vision claire ?

R: On peut éventuellement s’en sortir sans. Au sein de notre direction financière, on a la chance d’avoir des gens qui s’informent énormément et au niveau de nos partenaires, qu’ils soient bancaires ou nouveaux acteurs comme on les citait tout à l’heure, ils vont nous tenir au courant. 

J’ai une certaine appétence pour aller chercher par moi-même, je suis assez proactif là-dessus. Donc je pense qu’on peut faire sans. Mais si on veut ne pas rater le train, autant sauter dedans dès le début au premier wagon. 

La connectivité bancaire, c’était le premier sujet. On a parlé de Swift, d’open banking. Pour moi il reste 2 volets, le 3ème sera plutôt les API trésorerie qui vont être proposées au niveau des banques directement. Et là, les banques vont proposer de vous intégrer directement à leur système d’information via des API, donc il n’y a plus d’intermédiaire. Ça revient à peu près à la même chose que l’Open banking sans intermédiaire, et surtout les API de trésorerie peuvent être disponibles partout dans le monde. En Asie notamment, ils sont très en avance sur toutes ces API, quasiment toutes les banques internationales de l’Asie du Sud-Est ont des API de trésorerie. 

Le dernier point que je vais mentionner, c’est le volet blockchain et Crypto. Tu me demandais si je pensais que l’open banking était quelque chose de mature ou non : ça commence en tout cas. Mais  la crypto, je pense que c’est plutôt du long terme.  

Q: Crypto, blockchain ; ces technologies émergent-elles également au sein de l'écosystème des trésoreries ?

R: Plutôt la technologie blockchain, mais derrière ça passera sans doute via des cryptos. Je prends un exemple tout bête : on est début mars, et quand Tesla annonce qu’ils ont acheté 1.5 milliards de dollars de Bitcoin il y a un peu plus d’un mois et demi, ça pose la question de comment va émerger cette technologie blockchain au sein des entreprises et comment nous, trésoriers, nous allons devoir faire face à l’émergence de ces cryptos. Bien malin celui qui pourra répondre à cette question, je suis loin d’être expert sur le sujet, mais c’est quelque chose à prendre en considération. 

– La gestion des crypto au sein des entreprises, au-delà de l’utilisation, c’est une vraie problématique. Il y a d’ailleurs une très belle société française, la société Ledger, qui a une solution de coffre-fort électronique pour les entreprises pour la gestion de leurs cryptos, qui s’est penchée sur le sujet. Peut-être qu’un jour j’aurai l’occasion de les interviewer à ce sujet dans un prochain podcast. En effet, c’est un sujet qui est vaste et sur lequel il y aura, je pense, un certain nombre d’actualités dans les années à venir. 

-C’est vraiment super intéressant de voir tout ce qui émerge. Encore une fois, toutes ces problématiques sont des problématiques liées à la trésorerie, c’est pour ça que c’est vraiment génial de travailler sur ce domaine-là à l’heure actuelle puisqu’à mon avis les 10 prochaines années seront passionnantes. 

Q: Quels sont les chantiers de digitalisation sur la gestion du cash management au sein du groupe Mantu ?

R : Sur la gestion du cash management, il y a un point crucial et complètement lié à la crise que l’on traverse, c’est plutôt la gestion de la fraude et le risque de fraude. La société Carbon Black a sorti une étude en 2020 montrant qu’il y a eu augmentation de 150% des cyberattaques depuis le début du premier confinement donc entre mars et juin. Le télétravail a explosé pendant cette période et on voit qu’il y a un certain nombre de petits malins qui ont essayé d’en tirer profit. Donc aujourd’hui on a un certain nombre de nouveaux acteurs qui traitent ce genre de sujet. Il me semble que tu en as interviewé il n’y a pas très longtemps. 

Chez Mantu, on travaille avec un acteur qui s’appelle Sis ID qui permet d’analyser les coordonnées administratives de nos fournisseurs et de les comparer à leurs coordonnées bancaires. Là-dessus, ils créent un couple et si les données évoluent à travers le temps, ils vont pouvoir nous alerter d’une potentielle fraude. Le gros avantage de cette solution digitale, c’est qu’elle va pouvoir s’interfacer à la fois dans notre outil de gestion des achats, donc sur notre base fournisseur pour pouvoir aller analyser le couple coordonnées administratives – coordonnées bancaires de l’intégralité de nos fournisseurs, mais elle va également pouvoir s’interfacer au niveau de l’exécution des paiements, donc en bout de chaîne, dans notre TMS. Donc si jamais il y a une tentative de fraude interne tout au long de la chaîne de validation, on va pouvoir avoir l’alerte qu’il y a des coordonnées bancaires qui ont été modifiées par exemple avant l’exécution et l’envoi à la banque. 

Q: Y’a-t-il d'autres risques sur lesquels tu es en train de mettre en place des solutions pour renforcer la sécurité des systèmes et des process ?

R: Complètement, et c’est le 3e point que je souhaitais aborder sur ce volet problématiques actuelles : c’est l’aspect risque client. Là, on est de l’autre côté, on n’est plus sur le cycle Procure to Pay mais sur le cycle Order to Cash, mais encore une fois complètement lié à la situation actuelle. 

Je m’explique : aujourd’hui et malheureusement, à mon avis, c’est la réalité que l’on va subir dans les prochains mois, il y a un certain nombre de sociétés que l’on pourrait qualifier de zombies, qui survivent uniquement grâce à des aides de l’État, des décalages d’échéances, des décalages de charge. Malheureusement, elles risquent d’être insolvables dans les prochains mois.  

Donc, depuis mai, on a mis en place en interne une solution, un sous -département de notation de crédit. On ne se prétend pas remplacer des Standard & Poor’s ou Moody’s, mais ce sous-département rating va nous permettre d’analyser la santé financière de l’intégralité de nos prospects et partout dans le monde. 

Le but étant de pouvoir agir en tant que fonction corporate finance, de venir dire côté commercial et business qu’avant de signer un potentiel contrat avec un client, le sensibiliser sur sa notation. Le but n’étant pas de bloquer le business évidemment, mais plutôt de sensibiliser le risque client au niveau de l’intégralité des acteurs de l’entreprise et à partir de ça, mettre en place des conditions adaptées à chaque potentiel futur client. Donc ça peut être du paiement de front, ça peut être une réduction des délais de paiement, et cetera. 

Pour ce faire, on a développé en interne une solution permettant de générer cette information et on a pu se connecter au système d’information, à la SI de notre assureur crédit. L’assureur crédit va fournir la donnée, et cette donnée va être couplée à un certain nombre d’analyses que l’on aura fait en interne. En tout cas l’assureur crédit va venir nous transmettre l’information de la qualité de la couverture au niveau de ce prospects ou de ce client. 

Donc nos équipes IT en interne ont travaillé avec les équipes IT de notre assureur crédit pour aller se plugger à leur API et récupérer toutes ces informations, ce qui nous permet de digitaliser et ce process de validation de prospects, validation d’opportunité, tout en gardant des délais raisonnables. 

Q: Le fait de devoir gérer deux fronts subissant des évolutions constantes, des modifications de processus, n'est-ce pas un autre métier que celui du trésorier ?

R: Je suis rentré dans la fonction il y a peu plus 4 ans désormais et c’est vrai que lorsqu’on entend le terme trésorier, on imagine tout de suite le trésorier en costume 3 pièces en train d’appeler son trader FX pour faire pour gérer ses couvertures tous les matins. Je pense que ce trésorier, n’existe plus ou tend à disparaître, je vais peut-être me faire taper sur les doigts à la fin de de de ton podcast, mais je pense que la fonction du trésorier est en train d’être complètement dépoussiérée. 

Oui, il y a une modification par rapport à ce qu’on a pu connaître ces dernières années. Et tu as raison, il y a un certain nombre de changements qui sont en train d’être mis en place et il faut être toujours au courant de toutes les nouvelles actualités, être prêts à de potentiels changements, etc. 

Chez Mantu, du fait qu’on fasse 35% de croissance par an, cette culture du changement ne nous dérange pas forcément. Mon CFO me sort une phrase assez souvent et qui est assez intéressante : “la seule chose qui est permanente, c’est le changement et ce qui est valable hier ne le sera plus en tout ou partie demain, voire même aujourd’hui”. Il nous le répète souvent dans la direction financière, c’est assez intéressant et notamment sur le volet trésorerie. Toutes ces nouvelles solutions, ces nouveaux acteurs sont assez spécialisés. Tu ne peux pas partir demain avec telle fintech et abandonner toutes tes autres solutions. Éventuellement, c’est quelque chose que tu peux faire si tu es une TPE ; il y a des supers solutions qui sont en train de se mettre en place via des banques en ligne, des Qonto, des Revolut Business, etc. En revanche, pour des entreprises de taille intermédiaire ou des grandes entreprises. Tu ne peux pas faire ce shift du jour au lendemain et tout abandonner derrière toi. Il faut toutefois veiller à trouver le bon dosage, le bon équilibre afin d’intégrer ces nouveaux acteurs spécialisés sur certains domaines, sur le risque de fraudes, le crédit scoring, … et coupler ces solutions avec les solutions existantes proposées par des banques traditionnelles, assurances traditionnelles et qui sont elles-mêmes en train d’évoluer. Les systèmes d’information des banques sont en train de complètement changer, ils sont en train de s’ouvrir, on parlait d’open banking tout à l’heure.  

Forcément, je pense qu’il y a une impossibilité de se passer de ses partenaires traditionnels. On parle de sujet de financement notamment, je parlais de révolute business, de conto (38:20), d’un certain nombre de nouvelles banques en ligne qui sont disponibles pour les entreprises ; ce sont aujourd’hui de supers solutions, mais sur un volet plutôt orienté crédit financement. 

Selon moi, c’est impossible de se passer de ces partenaires traditionnels sur l’intégralité des sujets que peut traiter fonction finance. Donc il y a un vrai écosystème à créer, et il tend à évoluer avec l’intégration de nouveaux acteurs, et peut-être l’absorption d’autres acteurs. Pour moi, le but étant vraiment de trouver la solution à la problématique suivante : comment passer d’un travail en réactivité pour le trésorier à un travail de pilotage des événements en cours et futurs. 

-Merci beaucoup, Simon, c’était vraiment très intéressant et très riche.  

-Merci encore pour ton invitation. C’était un plaisir d’échanger et à très bientôt. 

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