Bonjour Guy ! Bienvenue sur ce podcast, merci d’avoir accepté cette invitation.
On va parler avec toi de l'évolution du métier de trésorier. Avant de de l'aborder plus en détail, pourrais-tu te présenter ?
R : Je suis Guy Wata, Responsable Trésorerie pour le Groupe SAFO. C’est un master franchisé affilié à Carrefour France, présent dans les Antilles et en Guyane, implanté en Martinique et en métropole du côté du Havre, dont le siège social est en Guadeloupe. Le groupe a plus de 100 magasins.
Le principe du master franchisé c’est d’avoir des franchisés sur son territoire donné, et qui verse des royalties à leur tour au groupe pour utiliser les enseignes de Carrefour, que ce soit Carrefour Market, Promocash, etc. C’est un groupe qui fait un peu plus de 600,000,000 de chiffre d’affaires qui s’est beaucoup développé ces dernières années et nous avons acquis d’autres marques toujours sur le même principe de master franchisé que sont Fnac – si vous avez l’occasion d’aller aux Antilles, que ce soit en Guadeloupe ou en Martinique et que vous voyez une enseigne Fnac, il y a de fortes chances que ce soit le groupe SAFO. Nous avons aussi acquis la marque Picard aux Antilles et maison du Monde.
Q : Quel parcours as-tu réalisé pour arriver là où tu en es ? (00:03:02)
R : Un parcours classique : j‘ai fait un bac compta, ensuite un DUT GEA puis une école de commerce.
Q : Depuis combien de temps es-tu trésorier ? (00:03:19)
R : Ça fait à peu près plus d’une dizaine d’années que je suis trésorier. J’ai commencé ma carrière chez Vinci construction France dans la direction opérationnelle Sud, qui était basée à l’époque sur Nice et Monaco. Ensuite, j’ai rejoint la direction de Marseille, et j‘occupe le poste de Responsable trésorerie pour le groupe SAFO aux Antilles depuis plus de 4 ans.
Q : Dans cette interview, nous allons parler de l'évolution du métier de trésorier.
Mais avant de parler de ce qu’est le métier aujourd'hui et de ce qu'il deviendra demain, peux-tu nous parler de ce qu’est historiquement un trésorier ? (00:03:47)
R : Initialement, le cœur de métier, c’était la gestion de liquidités au sein des entreprises, donc il devait veiller à ce qu’il y ait suffisamment de liquidités dans les entreprises pour assurer l’exploitation. Donc ça, c’était sa mission de base et petit à petit, le métier a évolué.
– C’est d’ailleurs quelque chose que même une société sans trésorier doit gérer, ; au-delà d’une activité de spécialistes, c’est quelque chose qui s’impose à chaque entreprise.
– Tout à fait. Peu importe la taille de l’entreprise ou le secteur d’activité, on peut avoir un carnet de commandes qui est plein mais si on n’a pas la liquidité nécessaire pour assurer la solvabilité de l’entreprise et faire face au cycle d’exploitation de l’entreprise, ça peut éventuellement poser problème.
Q : Y avait-il d'autres sujets importants pour les trésoriers initialement ? (00:05:25)
R : Il fut un temps, il y avait aussi les investissements, le contrôle des flux financiers et tout ce qui concerne les risques liés à ces placements et aux investissements. Également, s’assurer de la sécurité des transactions et que le processus se déroule correctement.
Q : Par rapport à ces missions initiales, quel est le profil du trésorier, les qualités qui étaient nécessaires ? (00:06:00)
R : D‘après moi, il faut que ce soit quelqu’un qui ait de la rigueur et qui sois calme pour faire face à une certaine pression inhérente à notre métier. Il faut aussi avoir la capacité de négocier.
Q : Quels sont les éléments de pression que tu identifies par rapport à ces fonctions du trésorier ? (00:06:24)
R : Lorsqu’il s’agit de trouver de de la liquidité ou des financements pour les projets d’exploitation et en période tendue, il faut garder son calme et savoir faire face à la pression qui peut peser sur les DAF et la gestion financière du cash.
Q : Donc au-delà de la technicité et des connaissances qu’on peut avoir sur le métier, le trésorier a aussi besoin de soft skills ? (00:06:54)
R : Exactement. Et en plus des soft skills que j’ai déjà cités – le calme, la rigueur, la capacité de négociation -, il faut une bonne connaissance en gestion financière aussi pour pouvoir analyser les risques et assurer une certaine sécurité sur les transactions. Si on n’a pas ce minimum de connaissances requises, c’est compliqué.
Q : Initialement, qui était le trésorier et comment était-il recruté ? (00:07:28)
R : Avant qu’elle ne se professionnalise, la fonction était assurée par les DAF ou par les responsables comptables selon la structure de l’entreprise. Ça venait de ce monde–là.
Q : Donc la trésorerie était un métier peu professionnalisé. Comment est-on passé d'une structure avec principalement un DAF, des personnels financiers, comptables, contrôles, à une structure avec un trésorier ? (00:07:51)
R : En termes d’organisation, je pense que les organisations se sont rendues compte à un moment donné que le DAF, même si c’est un mouton à 5 pattes, ne pouvait pas tout gérer. La trésorerie, c’est une mission nécessaire au fonctionnement des groupes et il fallait à un moment donné ce soit quelque chose qui s’organise avec un vrai service, un vrai responsable et qu’il fallait professionnaliser cette fonction.
Je ne sais pas de quand date ce basculement entre le mode DAF au mode responsable comptable qui s’occupe un peu de la trésorerie jusqu’au métier de trésorier à part entière. Peut-être le début de l’année 2000, c’est vraiment là que ça a pris son essor et que les choses ont commencé à se professionnaliser pour ce métier.
Q : Fondamentalement, qu’est ce qui a changé ? A travers quoi s’est concrétisée l’évolution du métier de trésorier ? (00:09:07)
R : Il y a plusieurs facteurs. Déjà, le facteur technique : le métier se digitalise et les outils évoluent très vite, les TMS ont grandement contribué à ça. La présence de la data aussi, qui est indéniable. Et il y a les dernières innovations avec intelligence artificielle qui fait que le métier se digitalise de plus en plus.
La dernière pandémie nous a prouvé que tout ça fait partie des éléments à prendre en compte pour la future évolution du métier en lui-même.
Q : Quel impact ont ces évolutions dans le quotidien du trésorier ? (00:10:12)
R : L‘impact, c’est qu’on est obligés de se réinventer en plus des soft skills historiques ; maintenant, il faut être à l’affût de ces nouvelles évolutions, avoir des compétences dedans et essayer de mieux les comprendre et les appréhender pour en faire une force. Il ne faut pas en avoir peur.
Il y a aussi l’aspect purement technologique dans le sens ou ça nous amène à être un peu plus orienté système et essayer de comprendre les interactions qui peuvent être amenées par ces nouvelles évolutions dans les outils du quotidien qu’on utilise.
Q : Ces évolutions du métier de trésorier ont-elles amené des gains de productivité ? (00:11:08)
R : Forcément, parce que ces outils nous dégagent un peu plus de temps pour pouvoir consacrer le plus d’efforts possibles dans l’analyse et anticiper au mieux les besoins des business units pour faire face à leurs demandes, notamment en termes d’investissement ou en termes de croissance externe ou organique, qui nécessiterait que nos outils puissent quasiment, à l’instant t, leur donner une visibilité sur le niveau du cash au directeur financier et à la direction.
Q : Hormis cet aspect technologique, les facteurs conjoncturels, je pense en particulier aux taux, sont également venus impacter le métier de trésorier ? (00:11:45)
R : Oui, on est obligés de tenir compte des facteurs externes d’une organisation pour pouvoir voir l’impact que ça peut avoir au sein de l’organisation en elle-même. Ça serait vraiment une erreur de ne pas tenir compte de ces facteurs ; ils impactent l’entreprise dans le sens où il y a eu beaucoup de réglementations ces dernières années, notamment suite aux différentes crises, les impacts sur les taux, etc. Tous ces facteurs font parties du risque et il faut en tenir compte.
D’autres risques sont à prendre en considération : ces dernières années, le risques à la fraude a explosé.
Q : Aujourd'hui, quelles sont les nouvelles missions du trésorier ? Qu'est-ce qui se rajoute au corpus gestion liquidité - placement ? (00:13:04)
R : Comme je l’évoquais, il y a la gestion du risque de fraude. Tout ce qui touche à la cybersécurité est de plus en plus important parce que l’avènement du digital accroît ce risque. C’est une donnée qu’il faut que les directions financières doivent garder en tête.
Il y a aussi la partie management, parce que les services au sein des groupes de trésorerie s’étoffent, et il y a une dimension management à prendre en compte parce qu’on peut avoir plusieurs équipes, plusieurs collaborateurs selon la taille de l’entreprise.
En parallèle, tout ce qui touche à la communication est dorénavant important. Avant, le trésorier était dans son coin et ses missions n’étaient pas forcément bien identifiées par l’équipe. Certains se posaient la question de s’il était comptable, ce qu’il faisait de sa journée. C’était un métier un peu méconnu et il n’y avait pas cette orientation à communiquer avec les business units ou avec les partenaires extérieurs. Mais maintenant, la communication est devenue un soft skill à part entière. Savoir communiquer en interne en externe et être à l’aise aussi pour parler en public cette dimension de communiquant est à prendre en compte. On est dans l’ère du web.3, l’ère de la communication, donc ça fait maintenant partie intégrante du métier.
Q : Aujourd’hui, l’évolution du métier de trésorier demande donc à avoir des professionnels de mieux en mieux formés, avec de plus en plus d’expérience ? De ton côté, as-tu commencé comme trésorier ? (00:15:06)
R : Oui, j’ai commencé comme trésorier. Je ne suis pas issu de la comptabilité ou du contrôle de gestion, et pour moi le métier de trésorier est un métier à part entière qui nécessite quelqu’un qui a déjà évolué dans ce monde, avec un bon état d’esprit et une bonne capacité de synthèse. A condition bien évidemment d’être accompagné et formé.
Il faut avoir l’idée que maintenant, c’est vraiment un métier qui s’est professionnalisé et qui demande un minimum de connaissances dans le domaine et en gestion financière.
-La preuve en est que ces dernières années, on a vu apparaître des formations 3e cycle spécialisées dans la trésorerie, qui forment des trésoriers dès la sortie d’école. Ces formations ont beaucoup de succès auprès des étudiants – il y en a peu et elles sont pleines -, mais aussi auprès des entreprises qui recrutent directement ces personnes formées.
-Ça a été une demande des entreprises de faire face à la professionnalisation de ce métier, d’avoir des cursus spécialisés ou des Masters professionnels spécialisés dans le domaine.
Il y a aussi des Masters en sciences, ingénierie, plus proches de l’informatique parce qu’il faut aussi savoir manipuler des données maintenant, que soit la data ou les TMS, qui évoluent énormément. Donc il faut avoir aussi une forte compétence en informatique aussi, pour pouvoir ne serait-ce que créer des interfaces entre les outils, les TMS et les ERP comptables. Il faut avoir une connaissance en systèmes d’information en plus de cette spécialisation en gestion financière.
Il y a vraiment besoin de technicité, c’est un métier qui est technique et qu’il faut savoir maîtriser.
Q : A quoi ressemblera le trésorier de demain ? (00:17:44)
R : Le trésorier de demain devra, à mon sens, élever ses compétences digitales. Il n’y aura plus de retour en arrière, il va falloir qu’il maîtrise et qu’il accroisse son expertise du digital afin d’adopter rapidement les bénéfices qu’il pourra en tirer, et enfin qu’il joue son rôle de business unit à part entière. Puisqu’il est au carrefour de toutes les business unit en lien avec la direction financière, avec le contrôle de gestion, la direction des achats qui prennent part. Le trésorier est devenu incontournable au sein des grands groupes et des organisations.
En plus, il devra bien évidemment optimiser la gestion du cash qui reste sa mission principale, comme on a pu le voir pendant le COVID. Beaucoup d’entreprises se sont retrouvées en difficulté par manque de de liquidités et ça, ça ne changera pas.
Enfin, pour moi ça coule de source, il devra gérer le risque financier, c’est à dire aussi bien le risque de contrepartie, les risques liés à la cybercriminalité, les risques de fraudes qui vont, hélas, s’intensifier de plus en plus au fur et à mesure de la digitalisation.
Voilà ma vision du futur du trésorier.
-En somme un trésorier plus connecté en interne avec les différents autres départements de la finance et avec ces systèmes qui lui permettront de digitaliser et d’automatiser tous ces processus.
Q : Ici, le risque que comprend le placement, c’est le risque sectoriel. Puisqu’on est sur des marchés connus avec des types d’immobilier bien définis, le risque est mesurable ? (00:26:02)
R : Exactement. Vous savez normalement dans une SCPI les immeubles desquels vous aurez une part.
Autre partie, c’est toute la catégorie des Autocalls, des produits structurés ayant des sous-jacents actions. Vous pouvez prendre un sous-jacent qui serait une action comme Total, ou alors comme le CAC40. Imaginons qu’aujourd’hui le CAC40 est à 6400 points ; vous regardez dans un an le CAC40 et constatez qu’il est à 6450 points. Vous toucherez peut-être un coupon de 4%. Et votre produit rappelle, vous récupérez 100% de votre capital plus 4%.
La possibilité que vous perdiez du capital, c’est que le CAC40, parce que vous avez défini une maturité à 10 ans, ne soit jamais, à chacune des constatations, au-dessus du 6400, et que dans 10 ans il ait même perdu 50% de sa valeur, donc 3200. Tout est possible dans le monde des actions ! On parle de produits plus risqués. Vous pouvez modifier la barrière de risque en capital à maturité. Là, on parlait de 50%, vous pouvez la mettre à 40%, 60%, c’est vous qui ajustez.
– C’était très clair, merci beaucoup Guy pour ton témoignage, à très bientôt !
– Ce fut un plaisir, à bientôt.